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Yasmine Des Astres, supernova romantique

Originaire de Toulouse où elle ouvrait le festival GIRLS DON’T CRY, Yasmine Des Astres invite ses auditeur-ices dans une forêt brumeuse résolument onirique et mélancolique en digne héritière gothique. On y sent notamment l’influence d’une certaine Mylène Farmer, ou encore des Rallizes Dénudés même si Yasmine ne cache pas l’impact des affinités musicales de sa mère, qui l’a bercée au r’n’b avec, entre autres, Sade et 2Pac. Véritable encyclopédie vivante, le travail de Yasmine s’aiguise et s’affine au même titre que sa réflexion poussée sur la création, laissant toujours sa place au hasard et à l’imprécision parfaite; imprévisible et beau, comme le toucher aveugle d’une rose épineuse, ou le ballet des météores.

Rencontre et entretiens.

En te connaissant un peu, on remarque vite que la musique s’inscrit dans une véritable cosmologie artistique puisque tu as une sensibilité accrue avec tous les médiums, est-ce que tu peux nous expliquer ce qu’il y a de particulier dans ton lien à la mélodie?

Y.D.A. : Pour moi la division absolue des arts ne fait pas sens, je veux dire que non seulement elle ne m’intéresse pas, mais aussi qu’elle rentre en contradiction directe avec ce que je pense de l’art et de la vie. C’est à dire qu’on a pour habitude de poser des limites et des barrières à chaque forme artistiques et on va y mêler à cela des barrières sensorielles. Je pense que l’œil hume, que l’oreille touche, que la main entend. Je pense que chaque sens contient, comme une monade sensorielle, tous les autres.

Et qu’un sens particulier, pour rester sur l’idée de Monade chère à Leibniz, n’est que la perspective différente d’une même chose : l’oreille s’ouvre sur l’univers et non pas simplement sur le son. Et dans l’oreille se contient le même univers – dans lequel nous existons irrémédiablement. L’univers est chahuté par toute la matière et les vibrations sonores pour quiconque ayant assisté à un concert, se ressentent dans le corps; les objets vibrent et peut être qu’avec un sens plus accru, nous pourrions sentir le parfum du son : il n’est de toute façon qu’un souffle. Et tout souffle emporte tout sur son chemin. Je suis musulmane mais si il y a bien une chose que je retiens des Evangiles c’est le rapport au vent – esprit qui opère où il veut.

© Yasmine Des Astres

Donc naturellement je me suis intéressée à ce qu’on appelle « les formes d’art ». Mais la forme réel des arts n’est en vérité rien de plus que l’identité que l’artiste souffle dans la matière de son art : c’est sa personne et la communion avec celleux qui réceptionnent son art. Ce qui importe c’est d’aller d’abord là où les choses sont essentielles, ce qui nous parle dans un tableau, ce n’est pas l’idée de l’art pictural, mais l’individualité brute qui nous fait face, dans ce qu’elle a d’unique. J’aime beaucoup de façon général explorer la sensation, et je ne veux pas me limiter à l’oreille uniquement. Les sensations dans notre corps nous viennent comme un bloque, nous ne vivons pas notre personne comme un composé, mais vraiment comme l’union du Je. Quand je parle je m’entends, je sens la chaleur de mon souffle, etc. Savoir ce qui m’a poussée vers la musique est obscur. Je me suis toujours dit que c’était qu’une question de circonstances. J’essaie de simplement pouvoir m’exprimer par ce qui me paraît le plus simple, le plus accessible.

Si l’inspiration était de la poussière d’étoile, elle émanerait d’où pour toi ?

Y.D.A : Je dirais que ce serait surtout de la poussière de Lune ! La Lune est une sorte de modèle artistique : elle reflète la lumière et nous la renvoie d’une façon plus douce, plus visible que le soleil dont on ne peut rien voir si ce n’est les rayons.

Je pense que l’inspiration nous vient d’elle ! C’est l’astre des muses par excellence. Car l’art agit de façon analogue, il renvoie l’image du monde de façon plus douce.

A ce propos, quelle place prend l’expérimental dans tes références, aussi bien que dans ton processus créatif ?

Y.D.A. : Je pense que j’aime l’expérimentation au sens presque premier, j’ai vraiment besoin de faire corps et que ma pratique soit une espèce de suspension dans le temps. Je n’arrive pas à voir l’expérience humaine comme autre chose qu’un solo de jazz par un saxophoniste : il accepte tout imprévu et accepte de ne pas savoir ce qui va lui arriver. Personne n’est réellement devin, je crois en la sorcellerie, mais je crois aussi qu’Allah à le dernier mot sur toutes les prévisions que l’humain pourrait faire. Pour moi c’est lié à l’extase. Expérimenter c’est d’abord vouloir découvrir, avancer dans l’obscurité amoureusement.

On a pu te retrouver sur scène au festival Girls Don’t Cry à Toulouse cette année, tu peux nous raconter ?

Y.D.A. : J’étais extrêmement angoissée à l’idée de jouer sur la scène du Metronum puisque c’est la plus grande scène où j’ai pu être programmée, et j’avais une pression gigantesque puisque je devais ouvrir le festival et surtout je jouais avant Aïsha Devi qui est une grande inspiration pour moi. C’est toujours un moment flou de jouer en live, c’est un peu comme si je m’absentais de moi même, et que j’accédais à une part de moi inconnue. Je n’ai jamais beaucoup de souvenir de ce que joue. Mais j’en retiens un sentiment de bonheur ! C’était un moment incroyable.

Et quelles son tes ambitions et tes envies concernant les concerts à l’avenir?

Y.D.A. : Collaborer avec des artistes, faire des rencontres. J’adore l’aspect social des concerts. Je suis une personne assez anxieuse socialement et qui subit un peu sa solitude. Mais j’ai l’impression de sortir de ça en jouant devant des gens. Pour l’instant j’espère juste pouvoir continuer à faire ce que j’aime !

Tu as des projets, musicaux ou non, en prévision ?

Y.D.A. : Oui ! Deux projets musicaux à vrai dire. J’ai un album qui devrait normalement sortir cet hiver, avec le label Du Coeur Records. Et je travaille aussi sur un EP, qui s’appelle Khamsa et qui est très important pour moi. Je travaille dessus depuis deux ans. Pour l’instant je suis surtout à la recherche d’un bon label. Mais c’est un projet que je chérie comme mon enfant. J’ai le sentiment d’y avoir mis énormément de moi dedans.

Comment on change le monde ?

Y.D.A. : En se connectant aux autres, on ne peut rien faire seul-e. Avec les bonnes intentions et la force collective nous pouvons y arriver. Mais ça prend du temps, et dans le fond il vaut mieux participer sans trop y penser pour ne pas se frustrer.

Propos recueillis par Alexane Nylon

Les photographies appartiennent à Yasmine Des Astres (tous droits réservés)

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